Spécificités et enjeux des toilettes dans l’école publique

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Mélaine

Bons ou mauvais souvenirs pour chacun d’entre-nous, les toilettes à l’école restent un sujet tabou. Et pourtant, le petit-coin est bien à l’origine de petits et grands maux. À la base même de la pyramide de Maslow [1], ce besoin primaire d’accès aux toilettes n’est pas toujours respecté.

Encore tabou, sujet pas assez « sérieux » … Les impacts de l’apprentissage de la propreté sur la santé publique et le développement social des enfants ne sont pourtant pas à prendre à la légère. Alors que l’AFV (Association Française d’Urologie [2] ) préconise d’aller aux toilettes toutes les 3 heures, qu’en est-il vraiment ?

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Un enjeu de santé publique tout au long du parcours scolaire

Pour comprendre l’enjeu des toilettes à l’école, il faut tout d’abord se tourner vers quelques chiffres. Et s’accorder à dire que ce qui en ressort est tout bonnement effarant.

8 enfants sur 10 indiquent se retenir d’aller aux toilettes à l'école [3] : 1/3 des élèves au collège ne vont pas aux toilettes alors qu’ils passent la moitié de leur journée dans l’espace public [4] , tandis que sur 24 781 élèves du premier degré interrogés, 1 784 ne vont jamais à la selle pendant le temps scolaire. Michel Averous [5], uropédiatre, rappelle qu’il y a plus d’infections urologiques pendant le temps scolaire que pendant les vacances. En découle ce chiffre alarmant : l’incontinence urinaire touche 27,6% des femmes et jeunes filles. Rajoutons que seulement 40% des toilettes dans le milieu scolaire sont accessibles aux personnes à mobilité réduite.

Le non-assouvissement des besoins fondamentaux des élèves causé par l'existence de sanitaires scolaires non-conformes est susceptible de répercussions sur leur bien-etre physique (fuites et infections urinaires, maux de ventre, constipation, etc.) et sur la mobilisation de fonctions supérieures (manque de concentration au travail, difficultés d'apprentissage...).

Alors la question reste la suivante : pourquoi de tels chiffres alors que l’envie des enfants d’aller aux toilettes est quotidienne et qu’ils ne peuvent décemment pas passer 8 heures sans y aller ?

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Ce qui rebute nos écoliers

La liste de ce qui empêche les élèves d’aller aux toilettes est longue : La première raison évoquée, ce sont les sanitaires en mauvais état voire dysfonctionnels :

L’hygiène. Plutôt douteuse, les toilettes ne sont pas nettoyées ou trop peu.

Manque de papier. C’est là le deuxième point évoqué par les enfants lorsqu’on les interroge. Le papier toilette est parfois volontairement retiré par les établissements pour éviter des toilettes bouchées par les rouleaux ou que les enfants ne s’en servent à d’autres fins. Un acte qui engendre des conséquences : soit il n’y a tout bonnement pas de papier, soit l’enfant, dans certains établissements scolaires, doit demander à son instituteur un rouleau. Saluons l’intimité. Conséquence évidente : l’impossibilité de s’essuyer qui engendre vulvites et infections urinaires chez les petites filles et des constipations chez les garçons

Manque de patères. Superficiel ? Non. Puisque cela ne permet pas aux enfants d’accrocher leur manteau et/ou leur sac. Par prudence, ils préfèrent ne pas y aller plutôt que de les laisser à même le sol, souvent souillé.

Lavage et essuyage des mains. Comme pour le papier, il y a parfois un retrait volontaire des savons et du papier pour que les enfants ne jouent pas avec. Notons également qu’il a été reconnu que les boutons-poussoirs sont trop difficiles à manipuler pour les plus petits.

Manque d’intimité. Chez les maternelles, les toilettes sont souvent en commun, ouvertes et visibles depuis les couloirs. Pour les primaires, les cloisons sont trop souvent mal positionnées : elles ne sont pas assez basses par le bas et pas assez hautes par le haut : 49% des élèves ont peur d’être espionnés.

Honte de demander à aller aux toilettes pendant le temps scolaire. Bon nombre d’entre nous se souviennent des réflexions désagréables : « tu iras aux toilettes pendant la récréation » ou « il fallait y penser avant ». Rien n’a changé depuis lors alors que l’emploi du temps des élèves est soumis à des études chronobiologiques depuis les années 1980.

Peur des violences. Comme nous le verrons par la suite, les toilettes sont également un lieu de sociabilité, ce qui comporte son lot de dangerosité : un lieu de violences et harcèlement scolaire.

En somme, afin de ne pas aller aux toilettes, les enfants mettent en place, volontairement, des stratégies d’évitement. Ils boivent et mangent moins afin de ne pas avoir envie d’y aller Il s’agit donc d’un véritable enjeu de santé publique, mais pas seulement. Le refus d’aller aux WC a également un impact sociologique sur le développement de l’enfant.

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Les toilettes : un lieu de développement social

Les toilettes scolaires ne sont pas, pour les enfants, qu’un simple passage obligé de la journée. C’est, sociologiquement, un lieu où ils grandissent.

En effet, par essence, aller aux toilettes est souvent leur seul moment d’intimité où ils peuvent se retrouver avec eux-mêmes, souffler un peu et s’isoler. Une journée d’école durant souvent autant de temps qu’une journée de travail, on peut comprendre que ce temps-là soit important voire nécessaire.

Par nature, ce petit-coin loin des yeux et des oreilles des adultes est transgressif. Et que s’y passet-il ? Chez les garçons, on retrouvera la transgression de l’autorité des adultes où nos bambins jouent à des jeux interdits dans la cour (jeux d’eaux etc.) et où c’est plutôt le silence qui règne. Chez les filles en revanche, une fois n’est pas coutume, on retrouvera des discussions qui sont importantes pour elles : elles se confient sur leurs soucis et échangent autour de leur intimité [6].

Dès lors, la question est simple : comment améliorer les toilettes pour qu’elles redeviennent un petit-coin auquel les enfants ont plaisir à aller ?

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Des solutions simples pour un accès aux toilettes

Et pourtant, des solutions très simples existent pour que les toilettes redeviennent un lieu accueillant et sécurisant :

• Des toilettes propres en mettant à disposition ce qui est nécessaire à leur entretien,

• Des toilettes sans odeur,

• De l’eau tiède pour le lavage des mains [7],

• Des poussoirs moins durs pour les petites mains des 3/5 ans,

• S’assurer de l’intimité des enfants (par les cloisons par exemple),

• Surveillance par un adulte.

Si nos enfants continuent de se retenir d’aller aux toilettes à l’école, il est d’autant plus important de leur rappeler que les toilettes doivent être accessibles et qu’il n’y a aucune honte à demander, même en pleine rue, à y aller. Des solutions existent. Notre application BubblesMapper s’assure que des lieux publics, accueillants, respectueux de l’intimité et de la propreté soient proches de là où vous êtes.

Références :

[1] La pyramide de Maslow hiérarchise les besoins d'un individu en cinq catégories.
[2] https://www.urofrance.org/
[3] Enquête des DDEN : Les sanitaires scolaires à lécole, 09-2022
[4] Schléret JM, Chapuis R. Les sanitaires dans les établissements du second degré. Rapport annuel 2013.
[5] Averous M. Un fléau scolaire méconnu : l’infection urinaire et les troubles mictionnels de la fillette. Prog Urol. (Paris) 2004.
[6] https://theconversation.com/ce-que-les-toilettes-scolaires-nous-apprennent-sur-la-vie-des-eleves-202260
[7] 40 % des élèves interrogés disent ne pas se laver les mains car l’eau est trop froide. De même, 20 % des élèves ne se lavent les mains que “parfois” après être allés aux toilettes car ils n’ont rien pour les essuyer.